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The New Mestiza

Genres, frontières et artistes de performance
en Amérique Centrale (Mexique-Guatemala)

Projection, Les Abattoirs, Musée d’Art Moderne et Contemporain – FRAC Toulouse

Maria Adela Diaz  / Regina José Galindo / Sandra Monterroso / Lorena Wolffer / Ursula Biemann

Un programme présenté et conçu par
Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós, commissaires d’exposition

le 27 mars 2014
Jeudis des Abattoirs – à 19h – Entrée libre
Auditorium des Abattoirs

« Dans son livre Borderlands / La Frontera: The New Mestiza (1987), la poète chicana Gloria Anzaldúa envisageait les territoires frontaliers de la frontière mexicaine-américaine, comme lieux de passage entre les genres et les cultures, un espace d’hybridation et d’entre-deux. Sécrétée par les ‘Borderlands’ et les interstices flous entre des formations linguistiques, géoculturelles, sexopolitiques contradictoires, émerge une « nouvelle métisse » (new mestiza), qu’Anzaldúa décrit comme une citoyenne transnationale, consciente de ses identités inextricables.
Si l’Amérique Centrale est aujourd’hui un maillon de l’économie globalisée (les phénomènes des maquiladoras  comme « zone franche » de la fabrication post-fordiste, des migrations transfontalières avec les Etats-Unis et du féminicide  – qui sévit actuellement en Centre-Amérique-, y jouant un rôle déterminant), elle est aussi la matrice de nouvelles générations d’artistes dont le travail de performances recèle une rare intensité. Ces propositions prennent racine dans une longue tradition d’art-action et de vidéoperformances à l’intrinsèque dimension politique, où le corps est envisagé comme lieu de confrontation et de négociation.
Au Guatemala, portée par une génération de femmes artistes, la performance a connu un renouveau à partir de la moitié des années 1990, le retour à la démocratie autorisant une réappropriation des espaces publics. Ces artistes évoquent la mémoire du génocide, les séquelles de la guerre civile, mais aussi les migrations et la complexité de nouveaux agencements identitaires, fragmentaires, tissés de relations et de négociations culturelles. Leur poétique mobilise largement une esthétique du retournement du stigmate. Regina José Galindo, poétesse, vidéaste et performeuse, née en 1974, s’inscrit dans cette filiation et figure depuis le milieu des années 1990 comme une des artistes guatémaltèques les plus emblématiques de sa génération, lauréate du Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2005. Au cours de ses performances controversées, son corps est le véhicule par lequel elle dénonce les conflits politiques et se fait explicitation des violences faite aux femmes. « Je suis un lieu commun (…) Je suis femme la plus commune entre les communes » écrit Regina José Galindo.
Sandra Monterroso entrelace les motifs de l’identité culturelle et du genre. Ses pièces relèvent d’un travail de sabotage des prescriptions sociales et sont le lieu d’un conflit entre émancipation et tradition.  Tandis qu’au Mexique, l’artiste et activiste culturelle mexicaine Lorena Wolffer s’attache aux assassinées de Ciudad Juarez, l’artiste, théoricienne et commissaire d’expositions Ursula Biemann s’intéresse, avec le film-essai Performing the Border, à l’articulation, dans le même espace frontalier, entre la dimension genrée des migrations, la violence sur les corps transnationaux et la technologie. »
Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós

Maria Adela Diaz  – Borderline (2005, Etats-Unis, Mexique, 2’)
Regina José Galindo –  ¿Quien puede borrar las huellas ? (2003, Guatemala, 1’50’’)
Regina José Galindo –  Mientras, ellos siguen libres (2007, Guatemala, 2’25’’)
Regina José Galindo – Perra (2005, Guatemala, 5’20’’)
Regina José Galindo – Ablucion (2007, Guatemala, 4’)
Regina José Galindo –  Limpieza social (2006, Guatemala, 2’)
Regina José Galindo  -Paisaje (2012, Guatemala)
Sandra Monterroso – Deformación # 33 (2007, Guatemala, 5’)
Sandra Monterroso – Tus tortillas mi amor. Lix Cua Rahro. (2004, Guatemala, 12’)
Lorena Wolffer – Mientras dormiamos (el Caso Juarez) (2002, Mexique, 11’)
Ursula Biemann – Performing the border (1999, Suisse-Mexique, 45’)

deformacion-33-sandra-monterosso.jpgSandra Monterroso
Les vidéoperformances de Sandra Monterroso, née en 1974, n’appartiennent pas au seul registre de la captation mais constituent autant d’objets poétiques, qui mettent en scène, au travers de jeux de correspondance entre langues indigène (K’ekchi’, langue maya), coloniale (espagnole) et globale (anglais), les processus postcoloniaux et d’interculturalité au Guatemala et leurs frictions et écarts avec une prise de conscience féministe. Dans l’une d’elles, Tus tortillas mi amor. Lix Cua Rahro. (2004), Sandra Monterroso se livre à la confection répétitive et monotone du plat traditionnel guatémaltèque, les tortillas. Mais, durant ce long rituel, elle régurgite le maïs après l’avoir longuement mâché, avant de dessiner, dans le secret de la pâte, un cœur imbibé de son sang. Des intertitres incrustés à même l’image et son soliloque se répondent, évoquant l’aliénation domestique, la peur, le couple, l’abnégation. Les dynamiques présentes dans le travail de Sandra Monterroso, entre sentiment de culpabilité et émancipation, repli et autonomie, mettent en tension le présent et la tradition (Culpa, 2006). Au sein d’une société urbaine, hybride, où les cultures originaires, métisses et globales se répondent, et se mélangent, elles sont le théâtre postmoderne d’un déchirement entre silence et voix subjective, désobéissance et loyauté identitaire, culturelle et linguistique (Deformacíon #33). Ses vidéos sont ainsi la trace d’une auto-prise de conscience, d’un travail de sabotage des répétitions culturelles, autorisant le passage entre divers langues, mondes, cosmovisions.
Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós

regina-jose-galindo.jpgQui peut effacer les traces ? Regina José Galindo
Poétesse et performeuse, Regina José Galindo figure depuis le milieu des années 1990 comme une des artistes guatémaltèques les plus emblématiques de sa génération. Au cours de ses performances controversées, dans lesquelles son propre corps est le véhicule par lequel elle dénonce les conflits politiques et sociaux, la violence et l’injustice économique, elle rend hommage aux morts et disparus de la guerre civile des années 1980-90, et de la dictature génocidaire du général Rios Montt. Son travail est aussi une explicitation de la violence faite au corps des femmes dans le monde actuel, et plus spécifiquement en Amérique Latine, avec le féminicide qui a cours en Amérique centrale, les violences domestiques. « Je suis un lieu commun (…) Je suis femme la plus commune entre les communes » écrit Regina José Galindo. Portant jusqu’à sa limite l’affirmation que l’art est la vie, Regina José Galindo transcende la dimension artistique de ses performances, qui contribuent de manière poétique, à soulager, comme elle le dit, la douleur collective des Guatémaltèques.  A.I. & K.Q.

Biemman-Performing the Border-1999.jpgPerforming the border – Ursula Biemann
Artiste, théoricienne et commissaire d’expositions, Ursula Biemann est auteure de nombreuses œuvres autour des thèmes des frontières, mobilités et de la dimension genrée des migrations. Ses investigations portent sur des questions liées à l’émigration dans le contexte de la globalisation, les exclusions liées aux frontières géographiques, économiques et politiques, ainsi que la technologie et le genre. Elle est chercheuse à l’Institut pour la Théorie de l’Art et du Design à la HGK de Zürich. En 2009, elle a reçu le prix Meret Oppenheim.
«Performing the border (1999, 45’) enquête sur les conditions de vie et de travail des femmes dans la vaste arrière-cour de l’économie américaine au sud de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Prenant comme point de départ une publicité de la société Elamex qui vend la main d’œuvre féminine au prix d’un dollar l’heure, la vidéaste montre que la construction sociale et technique de la frontière s’étend jusqu’à la sexualité de celles dont la « performance » est vantée dans l’image. Si le récit d’une femme « coyote » – ou passeur de frontière – permet d’envisager des sorties possibles de ce système de contrôle, l’histoire des meurtres en série autour de la ville mexicaine de Juarez pose des questions inquiétantes concernant la sérialisation de la vie humaine pour la fabrication de marchandises hi-tech (ordinateurs, etc.). » (Ursula Biemann, revue Multitudes 15, hiver 2004)

mientras dormiamos - lorena wolffer.jpgLorena Wolffer
« Dans Tandis que nous dormions (l’affaire Juárez), le corps de Lorena Wolffer, transformé en carte symbolique, sert à documenter et à faire le récit de cinquante des cas enregistrés à Ciudad Juarez (Mexique) où depuis le début des années 90, plus de 300 femmes ont été assassinées et autant sont portées disparues. Le corps de l’artiste devient un véhicule de représentation de la violence subie par ces femmes. Une violence qui semble s’être aujourd’hui institutionnalisée. » Mexicaine, Lorena Wolffer est artiste, performeuse et activiste culturelle.  Elle a présenté son travail en Europe, au Canada, aux Etats-Unis. Lorena Wolffer est aussi promotrice d’art expérimental, elle a organisé plus d’une vingtaine d’événements artistiques, notamment les expositions Familias naturales (Casa del Tiempo/MUMA, 2011), Alteraciones documentales (MUMA, 2008), Tú no existes (Universidad Nacional Autónoma de México, 2005), ¿Krimen urbano? (Antiguo Edificio de Bomberos, 2001), Señales de resistencia (Musée de la Ville de México, 2000), Arte chido, el arte de la violencia (Antiguo Colegio de San Ildefonso, 1997), Terreno Peligroso/Danger Zone (UCLA, Los Ángeles, California y Ex-Teresa Arte Alternativo, 1995). Elle a été co-fondatrice et directrice du centre culturel mexicain Ex-Teresa Arte Alternativo, co-créatrice de la l’émission culturelle télévisée La caja negra, sur Once TV et coordinatrice académique de Arte, cultura y justicia: representaciones y performatividades alternas du Programme Universitaire d’Etudes de Genre/PUEG de l’Université Nationale Autonome de México. Elle enseigne la performance au Centre National des Arts du Mexique, entre autres.

Maria Adela Diaz
Maria Adela Diaz est graphiste et artiste née au Guatemala en 1973. Elle vit et travaille à Los Angeles. Au travers de différents médias, tels qu’installations, et vidéoperformances, Maria Adela Diaz utilise son corps pour véhiculer ses objections aux déceptions politiques, aux sociétés patriarcales, et aux philosophies discriminantes, dans un travail qui inclut la transformation du spectateur, dans un contexte quotidien. Elle a exposé en Europe, à New York, Mexico, Guatemala, Costa Rica, etc.
Son œuvre est incluse dans l’anthologie “Imagining Ourselves: Global Voices from a New Generation of Women”, publiée en 2006 à San Francisco par le International Museum of Women. Dans Borderline (2005), une action qui peut être lue comme un rituel cathartique des blessures de son propre exil, Maria Adela Diaz s’enferme dans un contener lancé à la mer, évoquant les politiques migratoires aux Etats-Unis

En partenariat et dans le cadre des 26èmes rencontres de Cinélatino, Rencontres des Cinémas latino-américains de Toulouse.
Assistante : Morgane Le Geldron
Remerciements : les artistes, les Abattoirs – FRAC Midi-Pyrénées, Cinélatino, Loïc Diaz-Ronda, Eva Morsch Kihn, Alba Paz, Muriel Justis, Paula Orastica, etc.

https://www.lesabattoirs.org/evenement/borderlands-la-frontera-the-new-mestiza/