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Les contre-allées
Architectures contemporaines de l’exil

Mehdi Meddaci / Djouhra Abouda & Alain Bonnamy
Laura Waddington / Frédérique Devaux / Safia Benhaïm / Halida Boughriet

Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration, Paris

Dimanche 11 décembre 2011, 15:00
Auditorium, Entrée libre

Séance proposée et présentée par
Aliocha Imhoff & Kantuta Quiros (le peuple qui manque),
en présence de Mehdi Meddaci, Frédérique Devaux, Safia Benhaïm et Halida Boughriet,
en parallèle de l’exposition « J’ai deux amours »
(commissaires Hou Hanru, Évelyne Jouanno, Isabelle Renard)

« (…) Traversée, figure de tout voyage : entre la transe, le transport, et l’outrance qui passe la frontière. Mais si l’on traverse (traveling, crossing, or going through the latin memory of ) ce mot, on y retrouve, outre l’idée d’une limite franchie, celle d’un détournement, la version oblique d’un détour. » Jacques Derrida, La Contre-allée, 1999 (avec Catherine Malabou, édition La Quinzaine littéraire, collection Voyager avec..)

« C’est un curieux endroit, la contre-allée. Elle serait à l’artère ou au boulevard ce que la marge est à la page. (…) Déserte, la contre-allée met en évidence le sens unique ou double de la circulation, les flux de ceux qui s’en vont et de ceux qui reviennent. (…) Peuplée de promeneurs, chemin de halage devenu lieu de l’arrêt et du stationnement, avenue sans sens ou à contresens, allée et venue, la contre-allée destitue l’ordre rectiligne du monde, décentre ses axes, rend absurde ou écarte de sa voie la logique de la destination. » Robert Maggiori, 1999

 

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Mehdi Meddaci – Jeter une pierre

Depuis le cinéma expérimental et le film d’artiste, cette séance explore les architectures, lieux et non-lieux de l’exil contemporain, prenant pour fil directeur la figure de la « contre-allée », chère au philosophe Jacques Derrida. Paris, comme ciné-cité de l’exil intérieur pour un ovni expérimental issu d’un métissage insolite qui fait du cinéma antinarratif des années 70 une pratique étrangement pop et flamboyante chez Djouhra Abouda et Alain Bonnamy. La Méditerranée comme écart topographique, résidu de l’exil et de double culture, dans les films photographiques de Mehdi Meddaci. L’exode comme lieu de permanence contemporaine chez  Halida Bougriet. Les réminiscences du futur, chez Safia Benhaïm ou Frédérique Devaux, qui dessinent les portraits fragmentaires de pays fantasmés. Enfin, « images-lucioles », qui documentent un « non-lieu », une frontière, la cinéaste anglaise Laura Waddington témoigne en 2004, de manière rare, avec son film Border, et à l’aune de sa propre mise à l’épreuve, de la puissance fragile et élégiaque du cinéma à saisir la condition des migrants dans le camp de Sangatte et simultanément une analyse des dispositifs répressifs et de contrôle migratoires.

Mehdi Meddaci – SANS TITRE / Alger la blanche (2009, 2 min 37)
Mehdi Meddaci – Jeter une pierre (2008, 9 min)

alger-meddacci.jpg« L’écran de cinéma paraît parfois insuffisant pour traduire l’immensité d’une épopée. L’écran de cinéma, même agrandi à la mesure des possibilités muséales, n’est pas plus suffisant pour restituer certaines fractures, certains éloignements douloureux, d’évidentes tristesses à la mesure d’une famille et d’une terre quittées dans l’exil ou l’émigration. Les écrans déployés et enchaînés de Mehdi Meddaci tentent cette passerelle visuelle et mentale : une ligne d’écrans pour franchir la mer d’entre les terres, la Méditerranée, le mouvement des images pour rapprocher les rivages, et enfin le lancement d’une pierre pour figurer chorégraphiquement, la proximité « à-un-jet-de-pierre » de la terre natale ou familiale.(…) Beauté des étirements lents, des élongations étirées dans les plans de Meddaci, plans qui transforment le lancement d’une pierre en un geste pathétique, en une impatiente figuration du désir de franchir la mer. On perçoit aisément ce qui, dans ces lignes d’écrans, exige l’installation urbaine : le monde reflété et espéré dans les « films-installations de Mehdi Meddaci est traversé de chocs, chocs entre domicile intime et continent, entre panorama et gros plan, entre émigration et famille, entre la rumeur du ressac des vagues et le silence du sommeil, entre l’utopie du retour et la réalité de l’exil obligé. » Dominique Païni
Mehdi Meddaci est né en 1980 à Montpellier (France), actuellement en résidence au 104. Il est diplômé du Fresnoy Studio National des Arts Contemporains (France) et de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (France).


Halida Boughriet – Transit (2011, 8 min)

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Halida Boughriet est une artiste contemporaine d’origine algérienne, vivant et travaillant actuellement à Paris. Ancienne étudiante de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, elle part étudier en section cinéma à la ‘School of VISUAL ARTS’ à New York, jusqu’en 2005. Ses travaux sont au croisement de préoccupations esthétiques, sociales et politiques et une expérimentation de gestes poétiques et de réflexions interdisciplinaires où le corps, analogue à un territoire, se fait outil d’expression, de création, de libération. L’urbanisme a déclenché un travail sur les citadins et la notion de déplacement. « Il existe une interaction sentimentale entre l’image de la ville et le comportement humain. De la rencontre passionnée, sentimentale, entre une ville et un regard, surgit un modèle mental du milieu réel qui intègre l’homme à son passé, à son présent et à son avenir. » HB

Frédérique Devaux – K Exil (2008, 9 min)
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« Rouge, jaune, vert, saturés : les couleurs amazighs. Les femme
s et les enfants restés. Les hommes au loin travaillent. Partir c’est le même mouvement que Quitter, mais pas la même dynamique. » F.D.
Née en 1956 à Paris, Frédérique Devaux est l’auteure d’une trentaine de films expérimentaux et de documentaires distribués par diverses coopératives internationales. Frédérique Devaux est également l’auteure de nombreux ouvrages théoriques sur l’art et le cinéma. Son travail reflète la préoccupation d’un relief que celui-ci soit imaginaire ou réel, par la juxtaposition de matières, voire d’oeuvres, elles-mêmes enchâssées dans d’autres réalisations, abritant à leur tour des fragments en trompe-l’oeil, ou de l’ordre du fractionnisme, vers l’infini.

Safia Benhaïm – L’Atlantide / Lila (2011, 15 min, triptyque)
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L’Atlantide, l’île rêvée et disparue dans le détroit de Gibraltar, le noyau du monde d’où des rescapés sont partis pour peupler l’Égypte. Un songe de paradis perdu incarné par des figures et des visions dans l’oeuvre de Safia Benhaïm. Marqués par un exil – une cassure – dont on ne connaît pas tout à fait la nature, les trois personnages caractéristiques (une petite fille, un homme, une femme) sont portés par une histoire commune, que l’on devine peu à peu. Trois écrans pour un récit génésique et intemporel, un dispositif permettant de faire résonner les voix de la mémoire et de l’imaginaire dans celles de la réalité contemporaine du printemps arabe.
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD, Paris) et de l’université Paris III, Safia Benhaïm reçoit le Grand Prix Côté Court au Festival Côté Court en 2010


Djouhra Abouda, Alain Bonnamy – Cinécité (1973 – 1974, 16 min)

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« (..)Kabyle par ses racines, Djouhra Abouda fait partie de ces artistes qui traversent à un moment de leur trajectoire personnelle le champ du cinéma expérimental, pour ensuite investir d’autres territoires. Aujourd’hui sous le nom de Djurjura (…), Djouhra Abouda mène une carrière musicale, où paroles de femmes et revendication de la culture kabyle ont, par les temps qui courent, une résonance particulière. Mais avant la musique, les rêves de son enfance de “faire du cinéma” amènent Djouhra en compagnie d’Alain Bonnamy dans le laboratoire expérimental de l’université de Vincennes, où, en ce début des années soixante-dix, il est possible d’approcher le cinéma sans pour autant faire académie. Ils réaliseront ensemble entre 1972 et 1977 trois films, aujourd’hui injustement oubliés. Se refusant à produire toute narrativité, les deux premiers films d’Abouda et Bonnamy, Algérie couleurs (1970-1972) et Cinécité (1973-1974) ont été élaborés sur le principe d’un véritable métissage de cultures dynamisé par la fascination réciproque de l’autre. Véritables actes d’amour, ils ont été conçus comme des assemblages kaléidoscopiques à partir d’un paradigme musical. (…)Le saxophone débridé d’un Albert Ayler télescope la voix enjôleuse d’Om Kalsoum dans Cinécité, un film entièrement dédié à Paris, la ville cosmopolite et pluriculturelle de leur propre histoire. Sur les traces du simultanéisme littéraire d’un Dos Passos et du cut up de William Burroughs, mais se rapprochant davantage d’une phénoménologie de la perception dont les films de Werner Nekes se font l’écho à la même époque, le couple de cinéastes commence à élaborer, dans le cadre de l’extraordinaire dynamique de l’université de Vincennes, le concept d’un nouveau type de montage des images, sur le principe d’un enchevêtrement de séquences devant aboutir à une dynamique perceptive fusionnelle – sortes d’images doubles en mouvement. Réalisé avec des vues fixes pour Algérie couleurs, ce principe est initié sur des images mobiles dans Cinécité ; il sera développé ensuite de manière plus systémique mais néanmoins magistrale par Claudine Eizykman dans Vitesses Women (1974), film dans lequel Djouhra apparaît sous les traits de la beauté orientale énigmatique qui la caractérise. (…) »Jean-Michel Bouhours

Laura Waddington – Border (2004, 27 min)
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« …Dans un récent film vidéo intitulé Border et consacré aux réfugiés du camp de Sangatte, Laura Waddington est parvenue à trouver la forme plastique juste pour un choix du tournage proche de l’aporie: il s’agissait de partager la vie et le risque encouru par les sans-papiers afghans ou irakiens cherchant obstinément à passer la frontière en direction de l’Angleterre. C’était en 2002: l’illégalité de la situation, la police à l’affût, les courses à travers champs, l’omniprésence de la nuit seulement éblouie par le danger des projecteurs d’hélicoptères, tout cela donne aux images de son film leur condition d’invisibilité, mais aussi, plus puissamment, de proximité avec ces hommes, ces femmes et ces enfants dont on ne voit presque jamais les traits – dont on entend, à un moment, les clameurs désespérées face à la police -, mais dont le film réussit à construire, admirablement, comme un poème, la dignité. Rendre aux figurants leur dignité, c’est-à-dire, d’abord, leur figure: l’éthique d’une image dépend souvent de cela. » Georges Didi-Huberman, « Figurants », Dictionnaire Mondial des Images, Nouveau Monde Editions, Paris 2006
Née à Londres en 1970, Laura Waddington a étudié la littérature anglaise à l’université de Cambridge avant de s’installer à New York et puis Paris où elle a réalisé des films et des vidéos. Son travail a été présenté à des nombreux festivals internationaux de films, parmi lesquels ceux de Locarno, Rotterdam, Montréal, Edinburgh, New York Video Festival, Film Society of Lincoln Center, sur ARTE Télévision et dans des expositions et des musées comme le Centre Pompidou ou le Musée Reine Sofia. En 2005, une rétrospective a été organisée au 51ème International Short Film Festival Oberhausen et le 41ème Pesaro International Film Festival a rendu hommage à ses vidéos.

Curateurs: Aliocha Imhoff & Kantuta Quiros
Séance présentée en parallèle de l’exposition « J’ai deux amours » (commissaires Hou Hanru, Évelyne Jouanno, Isabelle Renard)

Plus d’informations:
https://www.histoire-immigration.fr/2011/10/carte-blanche-au-collectif-le-peuple-qui-manque

Informations pratiques:
Cité nationale de l’histoire de l’immigration
Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil – 75012 Paris
Auditorium, Entrée libre
https://www.histoire-immigration.fr/infos-pratiques/venir-a-la-cite


Remerciements :
Hou Hanru, Évelyne Jouanno, Isabelle Renard, Stéphanie Alexandre, Fanny Morère, Ute Sperrfechter, Awatef Bouchet, les artistes, Fanny Gillet-Ouhénia, Red Shoes Bureau