Ciné-forum, 23 novembre 2011, 20h30
en présence de Sothean Nhiem, cinéaste

 

1er Decembre 1994 (Marche contre le Sida) de Sothean Nhieim (France, Super 8, 13′)

sothean-nhiem.jpgSothean Nhieim filme en Super 8 depuis 1979 avec une régularité ponctuelle chaque marche gaie, chaque manifestation contre le sida et chaque cérémonie khmère à Paris…”L’oeuvre de Sothean Nhieim se trouve au croisement de deux des grandes catastrophes du XX ème siècle : le génocide du people Cambodgien par les Khmers rouges ; l’envahissement du monde par le virus du sida. De sorte que chaque film s’enlève sur un fond de deuil généralisé et que le cinéma prend sens à faire travailler à plein ses puissances d’apparition” (Nicole Brenez)
Les émotions des marcheurs semblant comme palpables à l’extérieur, ce qui étreint le cœur dans la splendeur triste et glacée de cette marche nocturne, c’est que la ville ne parle plus que de ça.

Tongues Untied de Marlon Riggs (1990, 55 min)

marlon-riggs-tongues-untied-1.jpg« Des hommes noirs aimant des hommes est l’acte révolutionnaire », est-il dit dans « Tongues untied » (Langues déliées), chef-d’oeuvre réalisé en 1990 par le cinéaste, poète, et activiste afro-américain Marlon Riggs, mort du sida en 1994, et figure phare du new black queer cinema. Il y est question de l’appartenance à l’identité noire et à l’identité gaie et de la difficulté de se représenter dans une expérience qui est pensée comme contradictoire. « J’étais un homme invisible, je n’avais ni ombre, ni substance, ni place, ni histoire, ni reflet ».  Dans ce film à la beauté chorale et incantatoire, variation sur le thème du silence  et de l’agir, les personnages se trouvent tous exilés d’eux-mêmes. Les récits qui s’entrecroisent, entremêlés à des poèmes d’Essex Hemphill, Steve Langley, Alan Miller, des chansons de Nina Simone ou de Roberta Flack, de performances rap issues des subcultures des ballrooms et du voguing, s’affranchissent du mutisme, tissant une communauté d’expérience et une communauté d’action. (Kantuta Quiros & Aliocha Imhoff)

The Bus Trip To Washington 21.6.1989 de Nelson Sullivan (1989, 35 min)

thebustriptowashington-de-nelson-sullivan.jpgNelson Sullivan, mort à New York en 1989, a toujours filmé les personnes et les événements de son entourage. Pionnier méconnu de la vidéo, Nelson Sullivan nous livre une nouvelle sorte de journal filmé, délirant et teintée d’une ironie mordante. Mouvements sociaux gays, nightclubbing années 80, le New York du Lower East Side, mais aussi explosion du sida (dont Sullivan est probablement mort en 1989), la toile de fond des films joue souvent le premier rôle. Son style se caractérise par une grande maîtrise de sa caméra, qui lui permet de ne faire aucun travail de montage ou plutôt de faire du tourné/monté, tenant sa caméra à bout de bras, l’objectif grand angle pointé sur lui, il déambule parmi les événements tout en les commentant. Concert délirant, rencontres avec de fortes personnalités, auto-dérision constante, le petit théâtre où il évolue vaut en effet le détour, mais la représentation permanente vient parfois se charger d’émotion.
Lorsque son amie Christina décède, Sullivan fait du voyage en bus pour la Gay Pride un hommage inattendu, son spleen venant contrebalancer les festivités (A bus trip to Washington). On ne peut s’empêcher de penser au travail de Nan Goldin sur son entourage, ce nécessaire lien entre survie et création. Nelson filme ce qu’il vit car il filme comme il vit, et en même temps, il vit pour filmer.