Contre-narrations féministes

Yvonne Rainer / Jacques Kebadian

Mercredi 12 mars 2008 à 20h
au cinéma Le Méliès

Séance en présence de Jacques Kebadian
et de Johanna Renard (doctorante).

Albertine, le souvenir parfumé de Marie Rose de Jacques Kebadian et du Collectif Eugène Varlin (1972, 25 min)

albertine1.jpgComédie insolente et antiautoritaire, « Albertine », film-manifeste de l’insurrection  de la jeunesse et des désirs, raconte l’histoire d’une adolescente en rébellion contre l’école, la famille rance, la religion et met en scène des jeunes filles et jeunes garçons de 14 à 18 ans qui revendiquent leur droit à une sexualité sans entraves et le droit à l’avortement pour les mineures. (Texte : AI&KQ)
albertine4.jpgDocumentariste engagé, assistant de Robert Bresson de 1965 à 1969, auteur d’un long-métrage autour de Trotsky (1967), membre de l’Atelier de Recherche Cinématographique (collectif de cinéastes militants, libertaires, proches de la psychothérapie institutionnelle et de la clinique alternative de La Borde, qui ont filmé les luttes de 68) dans les années 1967-69, puis de l’éphémère collectif Eugène Varlin, Jacques Kebadian réalise par la suite de nombreux films liés à la mémoire arménienne (Que sont mes camarades devenus ?, Mémoires arméniennes), aux luttes des familles africaines sans papiers (D’une brousse à l’autre, 1998), à la littérature incandescente de Pierre Guyotat ou à la marche des zapatistes au Mexique (La Fragile Armada, 2005, co-réalisé avec Joani Hocquenghem). (distribution: le peuple qui manque)

Film about a woman who…  d’Yvonne Rainer (1974, 105min)

Film décisif et rarissime de l’avant-garde américaine, magnifiquement photographié par Babette Mangolte, Film about a woman who… de la chorégraphe Yvonne Rainer, narre, de manière fragmentaire et par le biais de conversations intimes,  les relations amoureuses entre des hommes et des femmes, anticipant magistralement le texte féministe pionnier de Laura Mulvey, Visual pleasure and Narrative Cinema, publié en 1975, analyse critique du film narratif, et tout particulièrement du cinéma américain hollywoodien, dans sa construction d’une iconographie et d’un langage filmique sexistes. Film about a woman who relève ainsi d’un projet de contre-narration qui vise à contrer l’identification, tout en se faisant lieu d’expression d’une expérience subjective et d’une conscience féministe. « Je me suis sentie autorisée – au moment où je commençais à m’intéresser à la question de la narration et du récit – à explorer ma propre vie en tant que matériau-source pour mon travail, à prêter une attention accrue à mes propres expériences, tout comme moi-même en tant que sujet historique. » (Texte : AI&KQ)

Yvonne Rainer a étudié la danse à New-York avec Martha Graham et Merce Cunningham avant de fonder avec d’autres le groupe Avant-garde Dance, au Judson Dance Theater, en 1962, qui devint le centre de la danse contemporaine expérimentale new yorkaise. En 1965, Yvonne Rainer a publié un manifeste qui a fait école, invitant les artistes à rejeter le spectacle, la virtuosité et tous les autres types d’artifices de la danse, pour une esthétique révolutionnaire se dépouillant du superflu. Au début des années 1970, Yvonne Rainer renoue avec la trame narrative et donne une dimension politique à son œuvre. Elle abandonne le monde de la danse en 1974 pour se consacrer à la réalisation cinématographique, afin de travailler avec un outil plus permanent que le mouvement. Abandon lié également à son engagement progressif dans le féminisme. Néanmoins, l’expérimentation, le morcellement, la juxtaposition inhabituelle et une démarcation ou une rupture éloquente avec les postulats esthétiques, sont des éléments que Rainer a transposés de la danse à l’écran dans des œuvres comme Lives of Performers (1972), Film about A Woman Who… (1974), Kristina Talking Pictures (1976), Journeys from Berlin/1971 (1980), The Man Who Envied Women (1985), Privilege (1991) et Murder and Murder (1996).

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